Une situation, trois récits possibles :
Les impressions:
Max promenait son chien sur la plage, très tôt le matin car l’endroit leur était interdit le reste de la journée. C’était marée basse et l’animal avait tout loisir de se dégourdir les pattes sur le sable sec comme sur la partie mouillée, beaucoup plus intéressante, avec ses rochers très bas qui formaient autant d’obstacles à franchir, ses trous d’eau abritant crabes et bulots et les centaines de vers de sable que le chien suivait de la truffe, sans jamais les attraper. Tout près de l’eau, sur le sable détrempé, des dizaines de petits oiseaux blancs scintillaient dans le soleil levant et, dans le ciel, des mouettes accompagnaient de leurs cris stridents un chalutier qui rentrait de la pêche. Au bout de la plage, des paquets d’algues vertes exhalaient leur odeur aigre et sulfateuse, comme pour prévenir du danger. Max rappela son chien et fit demi-tour en haussant les épaules, mi de colère, mi de dépit. Soudain, le chien dressa l’oreille. Huit heures sonnaient au clocher du village, annonçant à Max qu’il était temps de rentrer retrouver les siens.
Les pensées :
Max promenait son Fauve de Bretagne sur la plage, pourtant interdite aux chiens. Il se disait qu’a cette heure matinale, il ne serait pas verbalisé, les lieux étaient déserts et il était un bon citoyen, il ramassait les déjections, et, de toute façon, la marée montante se chargerait de laver ce qui allait être, quelques heures plus tard, le terrain de jeux de dizaines d’enfants. En ramassant une bouteille en plastique vide, il déplora aussi que les hommes soient plus sales que les bêtes.
Max faisait sa promenade matinale autant pour lui que pour son chien. Avant, lorsqu’il n’avait pas d’animal, cela ne lui serait pas venu à l’idée de sortir prendre l’air au petit matin, mais il appréciait maintenant ce moment de quiétude absolue lorsqu’il allait marcher sur la grève ou sur les sentiers côtiers. Max aimait tout particulièrement cette plage qu’il connaissait depuis toujours. Enfant, il y avait fait ses premiers pas, puis des châteaux de sable et, à dix ans, il avait participé à son nettoyage après la catastrophe de l’Amoco Cadiz, à quelques encablures de la côte. Maintenant, le fléau, c’était les algues vertes, dues à une agriculture intensive dans les champs voisins. Max doutait que le conflit entre la terre et la mer cesse un jour.
Lorsque huit heures sonnèrent au clocher du village, il se dit qu’il était temps de retrouver sa nichée, encore endormie dans la petite maison du bout du port.
Les faits :
Il était 7.30 du matin. Max promenait son chien, un basset fauve de Bretagne de trois ans, sur la plage, à l’entrée de laquelle on pouvait voir un grand panneau rond montrant un chien barré d’un trait rouge. C’était marée basse et il y avait deux fois plus d’espace qu’à marée haute, soient 400 mètres de long sur 25 de large. Il faisait beau, mais encore un peu froid. Le sable sec cédait vite la place au sable mouillé, aux petites roches et aux trous d’eau. Il y avait des mouettes dans le ciel, au dessus d’un chalutier, et une cinquantaine d’oiseaux blancs sur le sol, près de l’eau. Plusieurs mètres cubes d’algues vertes étaient posés au bout de la plage, Max savait que c’était dangereux de s’en approcher. L’an dernier, à Saint- Michel, un cavalier et son cheval s’étaient enlisés dans les algues vertes. Le cheval était mort asphyxié par les émanations de gaz et l’homme s’en était sorti de justesse.
Huit heures sonnèrent. Max siffla son chien et rentra chez lui.
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