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  • Photo du rédacteurCarolineSulzer

Rendez-vous galant

Dernière mise à jour : 14 janv. 2022


Il me tend mon manteau noir et là….

Je suis prise d’un instant de panique. Et si c’était un pervers qui veut m’emmener chez lui pour me violer – enfin, vu les circonstances, ce ne serait pas vraiment un viol – puis me tuer et me découper en morceaux afin de me stocker dans son frigidaire ?

Je me raisonne et me dis que je n’ai quand même pas fait tout ce chemin pour ne pas aller jusqu’au bout ! J’espère juste qu’il a des préservatifs parce qu’une fille honnête comme moi n’en a jamais, ça ferait vulgaire. Sinon, il va falloir trouver un distributeur. Mais comment mettre le sujet sur le tapis entre ici et chez lui ? Ça va faire vraiment pouffe, si je sors un truc du genre : « euh, tu as bien ce qu’il faut, hein, sinon on doit passer en acheter ». Et puis d’ailleurs, qu’est ce qui me dit qu’on va aller chez lui, il va peut-être proposer d’aller chez moi. Bon ça, ce n’est pas du tout une option, je n’ai pas débarrassé la table du petit déjeuner ce matin et j’ai deux jours de vaisselle dans l’évier.

Non, on va aller chez lui, vu son look, il doit avoir un loft dans le onzième, avec très peu de meubles mais que du beau, une cuisine américaine et une immense terrasse donnant sur les toits de Paris. Et comme c’est un garçon organisé et séducteur, il doit aussi avoir un placard plein de Durex non périmées.

Je me dis tout ça tout en enfilant mon manteau, c’est vous dire à quel point ça turbine là-dedans, malgré la bouteille de Pommard que je viens de me siffler quasiment à moi toute seule.

Mes prévisions semblent s’avérer, puisque nous traversons la Seine à pied. Je le savais qu’il habitait rive droite, je le savais. Mais si on doit marcher jusqu'à Bastille, ça va encore faire une trotte. Déjà que je me suis bousillé les orteils dans mes Louboutin entre St Germain et la rue St Jacques. Si j’avais su j’aurais mis des converses. Je rigole tout haut en imaginant ma dégaine avec ma mini-jupe et des converses.

Prenant ce rire pour une manifestation de mon bonheur parfait, mon chevalier servant resserre son étreinte et me susurre d’un ton énamouré :

- On est bien, hein ?

Oui, enfin on serait surtout bien si tu évitais de me lécher l’oreille, j’ai horreur de ça, et si on arrêtait bientôt de marcher, parce que là j’en peux vraiment plus. Je lui lance un « oui, vraiment bien, mais on va où comme ça, on peut peut-être prendre un taxi ? »

Un sourire qui se veut sans doute coquin se dessine alors sur le visage de mon prétendant :

- J’avais pensé que nous pourrions finir la soirée chez moi ?

- Bonne idée, mais c’est où, chez toi, c’est encore loin ?

- Non, c’est à deux pas, d’ailleurs nous sommes dans ma rue.

Pas mal comme adresse. Belle porte cochère dans une ruelle de l’ile de la Cité, à l’ombre des flèches de Notre-Dame. Bon, elle est un peu cramée, d’accord, mais cela reste une belle bâtisse. Nous entrons dans le hall de l’immeuble, et prenons un minuscule ascenseur qui a dû être ajouté avec un chausse-pieds dans une cage d’escalier pas du tout prévue à cet effet. Pour le loft dans le onzième, on repassera, mais le parquet pointe de Hongrie et les trumeaux XVIIème, ça me va aussi.

Nous nous arrêtons au deuxième étage, celui des bonnes familles, et, alors qu’il glisse la clé dans la serrure, mon futur amant se tourne vers moi et me chuchote :

- Surtout pas un bruit, car mes parents ont le sommeil léger.

- Tes parents te rendent visite en ce moment ?

- Non, on habite ensemble. C’est ici que j’ai grandi.

Quoi ? Il habite encore chez ses parents ? Mais il a au moins quarante ans. C’est bien ma veine d’être tombée sur un Tanguy. Et en plus il va falloir faire des sourires polis demain au petit déjeuner ?

Moi qui m’attendais à me vautrer nue sur une peau de bête devant la cheminée tout en sirotant un dernier verre, je me retrouve à devoir traverser un couloir à pas feutrés pour gagner une chambre d’ado attardé. Pour un peu, il a l’intégrale des Six Compagnons dans l’édition de la Bibliothèque verte sur ses étagères et des posters de joueur de foot sur les murs. J’éclate de rire, quitte à réveiller tout l’immeuble, et je pars en courant aussi vite que mes talons me le permettent. C’est call girl que je voulais faire ce soir, pas baby sitter.







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