J'ai répondu ici à un défi proposé par le collectif Elles préfèrent le court. En cette période de vendanges, nous avions pour consigne de choisir un des trois types de vins produits par les créatrices de vin biologiques Jacques Frelin, puis de placer dans notre création littéraire certains mots issus du champ lexical de l'oenologie.
J'ai choisi le vin rosé l'Audacieuse et les termes suivants m'ont été imposés : élégance, subtil, robe rose litchi aux reflets nacrés, groseilles, fleurs blanches, pêche, frais, salin, équilibré.
Voici le résultat.
J’ai vu de la lumière, je suis entré. Fort de la mauvaise expérience de mes compagnons dans des occasions similaires, je me suis fait discret. J’ai commencé par évoluer dans l’ombre, en rasant les murs, malgré mon attrait irrépressible pour les chandelles qui étincelaient sur le lin blanc des buffets. Personne n’a fait attention à moi et j’ai pu observer à loisir la petite cinquantaine de convives qui évoluaient dans la pièce. J’étais comme au spectacle, ou du moins comme à l’idée que je m’en fais, car je ne suis jamais allé au théâtre. Dans leurs robes du soir aux reflets nacrés, roses, rouges, bleues ou mordorées, les femmes faisaient étalage de leurs attributs, qui un cou de cygne, qui une poitrine généreuse, qui une peau de pêche. Une coupe de champagne à la main, elles allaient, audacieuses, d’un groupe à l’autre, tâchant d’attirer l’attention des hommes, tous vêtus du même uniforme blanc et noir dicté par les canons de l’élégance masculine dans ce pays.
Et puis ce fut plus fort que moi, je devais m’approcher de la lumière, bien que j’en connusse les dangers. L’air nonchalant et décontracté, j’arrivai au bar, où je tentai de me fondre dans le décor, m’abritant derrière un imposant bouquet de fleurs blanches, du gypsophile, je crois. Je perçus, en premier les effluves frais et salins des plateaux de Marenne-Oléron, alignées par dizaines sur leurs lits d’argent. Au-dessus des petits fours et des seaux à glace, les candélabres diffusaient un affriolant arôme de litchis et de groseilles, la tentation de trop pour un être comme moi. Je pouvais résister aux décolletés des femmes, aux plaisirs de la table et de l’alcool, mais pas aux bougies parfumées. Tel Icare, j’entamai une danse, tout d’abord sage et équilibrée, puis de plus en plus folle, jusqu’à parvenir au plus près de la flamme. Là, je me vautrai dans les fragrances sucrées, connus l’extase un quart de seconde, puis me brûlai les ailes dans un grésillement fatal.
C’est là le terrible destin d’un papillon de nuit.

Bravoooo! trop forte! j'ai adoré et bien sûr la chute comme tu sais si bien les écrire!