top of page
  • Photo du rédacteurCarolineSulzer

Culpabilité


Il faudrait que tu l’appelles, cela fait plus de deux semaines que tu ne lui as pas parlé. Tu contemples ton téléphone avec lâcheté et inventes un prétexte pour ne pas le faire. C’est l’heure de la sieste, tu risques de le réveiller, ou encore il doit regarder C'est dans l’air, tu ne veux pas le déranger.

Tu n’aimes pas vos coups de fil, tu les redoutes même. Et pourtant, tu sais qu’il t’attend. Tu sais combien sa voix s’éclaire lorsqu’il reconnaît la tienne. « Ma chérie », s’exclame-t-il à chaque fois, en appuyant sur la dernière syllabe, « je suis si heureux de t’entendre ! »

Mais voilà, tu n’as plus rien à lui dire. Tu te sens coupable de raconter ton quotidien, ta vie de famille, tes voyages, tes projets d’avenir, à lui qui n’en a plus. Lui, qui est cloué au lit depuis des mois par un intrus qui le ronge à petit feu. Lui, dont la vie se heurte aux quatre murs de sa chambre à coucher. Et toi, tu te donnes bonne conscience en organisant l’armée des aides-soignants qui, les bons jours, l’installent au salon, d’où il regarde le jardin qui fleurit, de l’autre côté de la baie vitrée.

Tu ne sais même pas s’il a encore la force de lire, lui qui était si curieux de tout, avant. Il est devenu comme ces personnes âgées qu’il critiquait souvent étant jeune, un vieux bonhomme aigri et impotent qui attend sa dernière heure. Il prétend que c’est mieux ainsi et que, lorsqu’il observe le monde, il n’a pas envie d’y rester.


Bientôt, demain peut-être, tu resteras seule avec tes remords.





105 vues1 commentaire

Posts récents

Voir tout

Illusions perdues

Dans le cadre du marathon de Paris, je vous propose ce court poème sur la course à pied. Bonne lecture. Je cours pour me vider la tête Pour oublier cette vie de chien. Dès que je chausse mes baskets,

bottom of page